Temps de lecture estimé (en minutes)

La Cour de cassation refuse de considérer, à propos de vente d’ordinateurs en ligne, que la vente d’un ordinateur avec logiciel préinstallé constitue une pratique commerciale déloyale, dès lors que le client a la possibilité d’acquérir sur un site Internet lié cet ordinateur nu, c’est-à-dire sans ce logiciel.

En effet, il est question, dans cette affaire, de ventes d’ordinateurs par Internet et il s’avère, relève la cour régulatrice, que le consommateur, en s’orientant sur un site Internet dédié aux professionnels, avait la faculté de trouver et d’acquérir des ordinateurs « nus ».
Dès lors, le distributeur ne se contentait pas, en réalité, de vendre des ordinateurs avec logiciels préinstallés. En conséquence, ces ventes, comme elles ne représentent qu’un élément parmi d’autres de l’offre commerciale du distributeur, ne présentent pas le caractère de pratique commerciale déloyale.

Pour la Cour de cassation, pour retenir ou écarter, à propos de la commercialisation d’un bien particulier, la qualification de pratique commerciale déloyale, il convient donc de confronter ce bien à l’offre commerciale globale du distributeur, à partir du moment où le consommateur a facilement accès à cette dernière.

La CJUE mettra peut-être fin au débat auquel on assiste depuis plusieurs années sur la question de savoir si le fait pour un fabricant d’ordinateurs de les commercialiser « clés en main », c’est-à-dire avec plusieurs logiciels préinstallés (notamment le système d’exploitation), constitue une pratique commerciale déloyale à l’égard des consommateurs.

C’est en tout cas ce qu’espère la Cour de cassation, qui dans un arrêt daté du 17 juin 2015 (pourvoi n°14-11437) a décidé de poser trois questions à la CJUE :

– 1°) les articles 5 et 7 de la directive 2005/29 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur doivent-ils être interprétés en ce sens que constitue une pratique commerciale déloyale trompeuse l’offre conjointe consistant en la vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés lorsque le fabricant de l’ordinateur a fourni, par l’intermédiaire de son revendeur, des informations sur chacun des logiciels préinstallés, mais n’a pas précisé le coût de chacun de ces éléments ?

– 2°) l’article 5 de la directive 2005/29 doit-il être interprété en ce sens que constitue une pratique commerciale déloyale l’offre conjointe consistant en la vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés, lorsque le fabricant ne laisse pas d’autre choix au consommateur que celui d’accepter ces logiciels ou d’obtenir la révocation de la vente ?

– 3°) l’article 5 de la directive 2005/29 doit-il être interprété en ce sens que constitue une pratique commerciale déloyale l’offre conjointe consistant en la vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés, lorsque le consommateur se trouve dans l’impossibilité de se procurer auprès du même fabricant un ordinateur non équipé de logiciels ?

On se souvient que la jurisprudence s’est montrée particulièrement fluctuante sur ce point ces dernières années.

Plusieurs décisions ont invalidé la pratique de vente d’ordinateurs avec logiciels préinstallés en considérant qu’il s’agit d’une pratique déloyale dans la mesure le client n’est pas informé de la possibilité d’acheter un ordinateur « nu » ni de la valeur des éléments composant l’offre, ce qui serait susceptible d’altérer son comportement de façon substantielle (voir notamment CA Versailles, 5 mai 2011).

D’autres décisions ont au contraire souligné qu’une telle vente ne peut être déloyale dès lors qu’elle répond aux attentes d’une grande partie des consommateurs souhaitant bénéficier d’un ordinateur prêt à l’emploi, sans avoir à choisir et à acheter parmi les différents systèmes d’exploitation présents sur le marché et que l’acheteur achète cet ordinateur en connaissance de cause (voir notamment Cass. 1ère civ., 5 février 2014, n° 12-25748).

Ainsi, la vente d’ordinateurs avec logiciels préinstallés ne peut être considérée comme contraire à la diligence professionnelle et partant, n’est pas une pratique commerciale déloyale.

C’est précisément la position qu’a adoptée la Cour d’appel de Versailles qui a donné lieu à pourvoi en cassation et à la décision présentée dans cet article.

Dans la mesure où l’appréciation du caractère déloyal d’une pratique commerciale fait l’objet d’une directive communautaire dont l’objectif est d’harmoniser la législation entre les Etats-membres de l’UE, on ne peut qu’espérer que le fait d’avoir soumis ce débat à l’analyse de la CJUE permettra d’y mettre enfin un terme.

A suivre……

Grégory Damy, Avocat Droit de la consommation, Nice, mise à jour 2022