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AVOCAT NICE – Violences conjugales.
Maître Grégory DAMY, avocat à Nice, fait un point sur le phénomène catastrophique que représentent les violences conjuguales.
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Le phénomène de la violence domestique est une réalité universelle.
Cependant, son étendue est encore mal connue. En France, comme partout ailleurs, ni l’éducation, ni l’argent, ni l’origine sociale ne peuvent protéger une personne contre la violence au sein du couple.
La plupart du temps, les deux principaux facteurs de fragilité qui augmentent la fréquence et la gravité de ces violences, principalement faites aux femmes, sont la désocialisation et une autonomie financière insuffisante .
Mais parce que ces violences se déroulent à huis clos au domicile familial, une grande majorité de ces comportements ne sont pas portés à la connaissance des tribunaux. Pourtant 156 femmes sont décédées en 2008, soit une femme tous les deux jours et demi .
Cependant, les victimes de violences exercées par celui qui partage leur vie ne portent pas plainte. Ils oscillent entre la peur des représailles et l’illusion de l’amour ressenti pour celui qui pourtant les frappe. A cela s’ajoute la difficulté non seulement de trouver une réponse d’urgence mais aussi de résoudre les problèmes liés au logement, à la garde des enfants et à la régularité de séjour des personnes de nationalité étrangère.
Ce comportement dans le couple a un impact sur la santé des femmes et des enfants qui en sont victimes ou spectateurs. Leurs conséquences physiques sont facilement identifiables, mais leurs conséquences psychologiques sont plus graves, d’autant plus que l’objectif de la personne violente n’est pas d’infliger des blessures mais plutôt de réifier sa victime.
C’est pourquoi la lutte contre ces violences doit être considérée comme un enjeu de santé publique, voire comme un enjeu de société dans son ensemble, auquel le droit ne peut rester étranger.
Face à un tel constat, la lutte contre les violences faites aux femmes a été déclarée grande cause nationale pour 2010 par le Premier ministre et le 25 novembre est devenu une journée de sensibilisation à ce fléau.
Dans un tel contexte, il devenait urgent de créer un système civil cohérent.
Ainsi, après avoir engagé le processus avec la loi du 26 mai 2004 relative au divorce, qui instaure un devoir de respect au sein des couples, la France a complété le dispositif de protection en adoptant la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences spécifiquement féminines, aux violences intrafamiliales couples et son impact sur les enfants .
Inspirées de l’exemple espagnol, les mesures juridiques adoptées s’inspirent de l’ordonnance de protection prévue à l’article 515-9 du Code civil qui prévoit que « Lorsque les violences exercées au sein du couple ou par un ex-conjoint, un ex-partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou qu’un ancien partenaire met en danger la personne qui en est la victime, un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence à ces derniers une ordonnance de protection ».
La loi, tel un chevalier blanc, entend pénétrer dans l’intimité des familles pour défendre la victime des coups d’un conjoint, concubin ou concubin violent. La violence physique du secret familial répond à la loi. Grande ambition, défi quasi insurmontable : face au secret des violences au sein du couple et aux pressions psychologiques répondre à la loi et à la révélation publique de violences vécues comme honteuses ou cachées par la peur, à la peur de représailles encore plus violentes répond le recours à juger, tiers présent occasionnellement, intervenant nécessairement tardivement. Cependant, malgré l’insuffisance apparemment insurmontable des instruments juridiques, les nouvelles dispositions législatives tentent d’apporter une réponse à l’inacceptable. L’ordonnance du juge aux affaires familiales doit être une arme efficace de protection,
Ainsi, émis par la JAF, cet ordre se veut d’une grande efficacité (I) et d’une procédure appropriée (II) .
Une ordonnance de protection efficace :
Pour offrir une protection efficace, l’ordre doit avant tout dépasser les clivages juridiques et tenir compte de la réalité multiforme des couples au 21e siècle. Elle doit quitter le mariage pour embrasser toutes les formes de conjugalité et protéger le plus grand nombre de victimes (A).
Cependant, l’intensification de la lutte contre la violence ne peut se contenter de saisir toutes les victimes potentielles. La loi du 9 juillet 2010 a voulu multiplier les mesures les plus variées et les plus adaptées pour tenter de prendre en compte l’immense diversité des situations de violence au sein des couples (B).
Un cadre élargi :
Souvenez-vous, il y a eu une première tentative du législateur pour lutter contre la violence. La loi du 26 mai 2004 avait franchi une première étape dans la lutte contre les violences conjugales en instituant, aux termes de l’article 220-1 du Code civil, les violences sommaires.
Comme une épée dans l’eau, la mesure ne pouvait être efficace. Trop restrictive voire exclusive, elle ne s’appliquait pas à toutes les formes de conjugalité. En effet, ce dispositif avait un champ d’application très limité puisqu’il ne permettait d’évincer le conjoint violent du domicile conjugal qu’avant l’ouverture d’une procédure de divorce ou de séparation de corps. Ainsi, seule la victime mariée pourrait bénéficier de cette protection. Les moyens de lutte contre la violence au sein du couple au plan civil étaient donc incomplets ou en tout cas réservés à quelques-uns, contrairement aux moyens criminels.
Mais une tentative est une grande expérience qui a permis de préparer de nouveaux textes en corrigeant les défauts des premiers. Si le champ d’application des premières mesures de protection était inadapté à la réalité des couples modernes ; l’ordonnance de protection va au-delà des qualifications juridiques et pragmatiques.
Désormais, avec la loi du 9 juillet 2010, les bénéficiaires potentiels de la protection civile sont plus nombreux. En effet, les nouvelles mesures de protection qui peuvent être édictées par le juge aux affaires familiales s’appliquent de la même manière à toutes les formes de conjugalité mais aussi aux personnes de nationalité étrangère. Par ailleurs, les enfants sont pris en compte par le magistrat dans le cadre de l’ordonnance de protection.
Ainsi, le législateur n’a clairement pas voulu enfermer le débat autour des violences de genre.
D’une part, l’ordonnance de protection a été conçue pour répondre à des situations particulières de violence : celles exercées au sein du couple. Il y a donc une véritable émergence d’un nouveau droit en France puisque les violences conjugales sont considérées lato sensu. Le fait qu’elles concernent toutes les formes de cohabitation hors mariage a été pris en compte. On va donc vers la construction d’un droit commun du couple.
Par conséquent, l’exécution de cette ordonnance est subordonnée à la qualité de victime de la violence qui engendre deux conséquences : peu importe que le couple soit marié, pacsé ou en concubinage et peu importe que le couple ait rompu. En faisant entrer dans le champ d’application de cette ordonnance, les ex-mariés, les ex-concubins ou les ex-concubines, la loi suit une logique plus pénale que civile. Désormais, la protection de l’intégrité physique et morale de la victime de violences au sein du couple prime sur le statut de la relation.
Par cet élargissement, le système consacre un principe d’égalité et répond ainsi à la pression communautaire en mettant les textes en conformité avec l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme.
En revanche, les mesures issues de la loi du 9 juillet 2010 sont applicables aux majeurs menacés de mariage forcé. Ils peuvent saisir le juge aux affaires familiales pour obtenir une ordonnance de protection. Ce magistrat a alors le pouvoir d’ordonner l’interdiction temporaire de quitter le territoire de la personne menacée. Cette interdiction est inscrite au dossier des personnes recherchées par le Procureur de la République.
D’autres droits leur sont également accordés.
En effet, il est prévu de renforcer les conditions de renouvellement du titre de séjour de ceux qui, réunis à un ressortissant français ou entrés en France dans le cadre du regroupement familial, sont victimes de violences au sein du couple.
Ils peuvent non seulement bénéficier d’un droit au séjour si une ordonnance de protection est rendue en leur faveur mais également se voir octroyer une carte de séjour lorsque l’auteur est définitivement condamné pour toute infraction avec la circonstance aggravante de conjoint, concubin ou partenaire liée à un Pacs. Par ailleurs, les étrangers titulaires d’un titre de séjour en France peuvent obtenir un visa de retour auprès des autorités françaises lorsque leur conjoint s’est fait voler leurs pièces d’identité.
Enfin, le nouveau système ne se limite pas à prendre en considération la victime directe. Les enfants sont également visés puisque le juge aux affaires familiales peut délivrer une ordonnance de protection lorsqu’ils sont en danger.
Il faut évidemment tenir compte des conséquences sur les enfants de la violence exercée par un parent sur l’autre parent. Même s’ils ne sont pas les victimes immédiates de la violence, en tant que témoins, ils en subissent nécessairement les contrecoups.
Cependant, une limite infranchissable est imposée à la loi et à son application : l’enfant victime ou spectateur de violences au sein du couple reste exclu des personnes ayant qualité pour ester en justice en matière d’autorité parentale. Seul le parent pourra saisir le juge aux affaires familiales lorsqu’il constatera que l’enfant est mis en danger par son compagnon ancien ou actuel.
De plus, c’est souvent la prise de conscience par un parent que l’autre parent ou le comportement de ce dernier met en danger l’enfant commun, qui est à l’origine d’un désir de protection.
Trop souvent, il restera des hypothèses où l’enfant ne pourra accéder à la protection juridique contre les violences dont il est le spectateur au sein de la famille en l’absence de la présence d’un adulte courageux ou lucide.
Mais pour assurer une efficacité significative de ce mécanisme issu de la loi du 9 juillet 2010, le législateur ne s’est pas contenté d’élargir le champ des personnes protégées. L’éventail des mesures pouvant être adoptées dans le cadre d’une ordonnance de protection est également large.
B. Portée étendue
15. Pour être optimale, la protection des victimes de violences conjugales doit être complète et reposer sur un système permettant à la personne en danger d’échapper à l’emprise de l’auteur des violences, que ce soit physiquement, juridiquement ou matériellement. Il fallait donc que le juge saisi puisse édicter dans son ordonnance de protection des mesures civiles telles que l’expulsion du domicile de l’auteur des violences, pouvant être accompagnées d’autres mesures à dimension pénale. L’objectif est d’éliminer efficacement le risque de représailles.
Aujourd’hui, dans le cadre de l’ordonnance de protection, le juge aux affaires familiales dispose en fait de pouvoirs étendus en vertu de trois ordonnances différentes.
1) Mesures civiles
16. En premier lieu, ce magistrat peut prononcer des mesures civiles non exclusives.
a) Logement : expulsion des violents
Pour assurer la sécurité de la victime, le magistrat peut d’abord attribuer le logement du couple à cette dernière en ordonnant l’expulsion de la personne qui se livre à la violence. Ce dispositif est complété par la possibilité de rendre le défendeur responsable du paiement des frais relatifs au logement.
Désormais, il appartient au juge de veiller à ce que la victime des violences ne soit pas placée dans une situation financièrement délicate qui l’obligerait à garder le silence sur ce qu’elle subit parce qu’elle n’a pas les moyens personnels de se prendre en charge. le montant des frais de logement. Ce magistrat devient le garant de la confiance des justiciables asservis au sein de leur couple.
De plus, pour que cette mesure soit réellement efficace, les garanties contre l’expulsion du conjoint, partenaire pacsé ou concubin expulsé pour violences ne sont pas applicables.
Dès lors, ce dernier ne pourra opposer les garanties selon lesquelles l’expulsion ne peut avoir lieu qu’à l’issue d’un délai de deux mois suivant l’ordre de quitter les lieux ; cela ne serait pas conforme à l’impératif d’urgence qui motive la décision d’expulsion du logement.
De plus, comme c’était déjà le cas pour les violences sommaires, le conjoint violent ne peut demander à bénéficier du sursis d’exécution de cette mesure et notamment de la trêve hivernale courant du 1er novembre de chaque année jusqu’au 15 mars de l’année suivante.
L’épée de Damoclès est maintenant sur la tête de celui qui veut soumettre par la violence la personne avec qui il vit.
Mais dans tous les cas, l’huissier de justice devra continuer à vérifier que l’opération d’expulsion n’est pas effectuée sur un titre périmé.
b) Mesures de protection de l’enfant
En second lieu et toujours dans le cadre de l’ordonnance de protection, un deuxième type de mesure civile peut être édicté. Le juge aux affaires familiales a la possibilité de statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.
Saisi dans un contexte de violence au sein du couple qui se sépare, il doit garantir la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant commun.
Deux mesures sont possibles. L’un est radical, l’autre moins.
Première mesure
Soit, l’autorité parentale est retirée à ceux qui sont violents. Dans ce cas, afin d’assurer la continuité et l’effectivité des liens de l’enfant avec le parent qui n’exerce pas l’autorité parentale, le juge peut organiser un droit de visite dans un lieu de rencontre. Des dispositions similaires ont été adoptées par le législateur en cas de condamnation pénale de l’un des parents pour un crime commis sur son enfant ou sur l’autre parent.
Toute personne violente au foyer familial est désormais présumée être un mauvais parent.
Deuxième mesure
Soit l’exercice conjoint de l’autorité parentale est maintenu et s’accompagne d’un droit de visite et/ou d’hébergement classique ou de résidence alternée.
Dans cette circonstance, le juge a la possibilité d’organiser l’utilisation d’un lieu sécurisé pour la visite ou la remise de l’enfant à l’un ou l’autre parent car il faut éviter tout contact direct entre eux et ce, toujours dans le l’intérêt de leur enfant.
Dans tous les cas, et quelle que soit la forme de conjugalité, le parent violent doit continuer à contribuer à l’entretien et à l’éducation des enfants.
En dehors de ces mesures civiles, le juge aux affaires familiales peut être appelé à prendre d’autres mesures « pénales ». Le droit civil et plus particulièrement le droit de la famille est, avec la loi du 9 juillet 2010, doté d’armes lourdes.
2) Mesures pénales
a) Armes
Le magistrat peut interdire au prévenu de détenir une arme et de la remettre au greffe. Cette arme peut être n’importe quel objet servant à commettre l’inacceptable au sein du couple.
b) L’interdiction de rencontrer la victime et toute autre personne désignée
Le JAF peut également lui interdire de rencontrer ou de recevoir la victime et ses enfants ainsi que toute autre personne qu’il désigne. Ceci afin d’éviter que l’auteur de violences au sein du couple n’exerce de nouvelles pressions sur la personne demandant protection, notamment par l’intermédiaire de ses proches.
c) Dissimulation de l’adresse de la victime
En outre, les victimes sont autorisées à dissimuler leur adresse afin d’éviter d’éventuelles représailles. Ils peuvent alors élire domicile auprès de l’avocat qui les assiste ou les représente ou auprès du Procureur de la République et ce, pour toutes les procédures civiles auxquelles ils sont également parties. Il existe cependant deux tempéraments à cet appareil.
Premièrement, aux fins de l’exécution d’une décision de justice, l’huissier doit connaître l’adresse de cette personne sans pouvoir la révéler à son mandant.
En second lieu, l’avocat ou le procureur de la République chez qui il est domicilié communique sans délai l’adresse du demandeur au juge civil.
En tout état de cause, il ne s’agit pas de priver le dispositif de son efficacité puisque les professionnels concernés sont tenus au secret.
d) Interdiction de quitter le territoire
24. En outre, et pour parer à tout risque de déplacement international de l’enfant commun par l’un des parents et ce en violation des droits de l’autre parent, le juge aux affaires familiales peut également ordonner l’inscription de l’interdiction de quitter le territoire de l’enfant sans l’autorisation des deux parents, sur le passeport de chacun d’eux.
Or, en présence de couples binationaux, parce que l’effectivité d’une telle mesure est anéantie puisque le juge français ne peut ordonner cette inscription sur un passeport étranger, il a été prévu d’inscrire cette interdiction de sortie du territoire au dossier. voulait des gens.
e) Aide juridique
Enfin, le juge aux affaires familiales peut ordonner une mesure d’aide en faveur du bénéficiaire de l’ordonnance de protection, telle que l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle du demandeur ou encore la présentation d’une liste de personnes morales qualifiées susceptibles de l’accompagner tout au long de la procédure. la durée de l’ordonnance de protection.
En tout état de cause, toutes ces mesures édictées dans le cadre d’une ordonnance de protection n’ont qu’une durée de validité limitée à quatre mois, renouvelable une fois pour les couples mariés qui déposent une demande de divorce. ou en séparation de corps. En revanche, ces dispositifs de protection des cohabitants ou pacsés ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’une quelconque prolongation.
On peut s’interroger sur ce vide textuel. Mais il est également possible de l’analyser comme étant le minimum garanti à une personne victime de violences infligées par son compagnon en dehors de toute union matrimoniale. Alors que par le passé, il ne pouvait bénéficier d’aucune protection, il lui est désormais permis d’organiser la sauvegarde de son intégrité physique et morale en vue d’une éventuelle rupture.
En tout état de cause, un droit sans une procédure appropriée n’est rien, il reste lettre morte. Le législateur a donc assorti ces mesures civiles, à connotation pénale ou d’assistance, édictées dans l’ordonnance de protection d’une procédure appropriée.
II. Un cadre procédural adapté
Face à la violence et à l’urgence de protéger efficacement la victime, la justice, malgré sa réputation de lenteur, doit recourir à la violence pour la bonne cause et intervenir rapidement.
L’arrêté du 29 décembre 2010 a permis d’instaurer une procédure d’urgence (A) mais qui, considérée comme une anomalie, reste exceptionnelle (B).
A. Une procédure d’urgence
Dans tous les cas, la procédure doit être rapide afin de protéger d’urgence les victimes de violences domestiques. Que ce soit au stade de la saisine, lors de l’audience ou lors de la décision, c’est l’impératif d’urgence qui doit présider à l’ensemble du processus.
1) Référence
Le juge aux affaires familiales peut être saisi en vue d’obtenir une ordonnance de protection, par le ministère public avec l’accord de la victime car, souvent effrayée, celle-ci peut avoir des difficultés à agir seule et à saisir le juge. Mais cela suppose qu’elle porte plainte.
Or, cette démarche est tout aussi délicate que le fait de s’adresser directement ou par l’intermédiaire d’un avocat au magistrat pour être protégé. En effet le plaignant sait que son conjoint, partenaire pacsé ou partenaire violent sera nécessairement convoqué par les représentants de l’autorité publique pour être entendu sur les faits dénoncés et que, de retour chez lui, il se vengera.
Le tribunal peut également être saisi par la victime elle-même.
Dans ce dernier cas, la saisine peut être faite par voie de requête sous forme de lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie de citation en forme de référé.
Cet acte doit comporter l’indication de la date d’audience préalablement communiquée par le JAF et être dénoncé au Procureur de la République à peine de nullité.
2) L’audience
Dès réception de la demande d’ordonnance de protection, les parties doivent être convoquées pour une audience. a) Modalités de l’avis
Cette assignation peut être effectuée, soit par les soins du greffe sous forme de lettre recommandée avec accusé de réception doublée d’une simple lettre en cas de saisine sur requête, soit par signification si le juge est saisi dans le cadre d’une une assignation sous forme de référé.
A titre exceptionnel, le magistrat peut décider que la police ou la gendarmerie doit remettre la citation au défendeur en personne contre récépissé lorsqu’il existe un risque de danger particulièrement grave et imminent pour le demandeur ; cette décision constitue une mesure d’administration judiciaire.
En définitive, cette assignation adressée au défendeur équivaut à une assignation. Il comporte en annexe une copie de la requête ou de l’assignation ainsi que les pièces sur lesquelles se fonde la requête. Par ailleurs, il appartient au juge aux affaires familiales de s’assurer qu’un délai suffisant s’est écoulé entre la citation et l’audience pour que le prévenu puisse préparer sa défense.
Quant au procureur de la République, il a la faculté de donner son avis sur la requête sans que le juge civil ait l’obligation d’y donner suite.
A l’audience, le magistrat peut entendre les parties ensemble ou séparément afin de protéger la victime en l’empêchant d’être confrontée à l’auteur des violences alléguées. Ceci afin de limiter les affrontements douloureux.
b) Le rôle de l’avocat
Les parties peuvent se faire assister ou représenter par un avocat. Dans le cadre de la représentation, leur présence n’est pas obligatoire. Il s’agit de répondre au besoin de célérité même lorsque l’une ou l’autre des parties, pour un motif légitime, ne peut être entendue.
Il est possible de considérer qu’il s’agit d’une atteinte au respect du principe du contradictoire, d’autant que le juge ne pourra accorder un renvoi à une audience ultérieure qu’avec un préavis très court compte tenu de l’urgence de protéger la victime qui le demande.
c) Secret
Par ailleurs, une autre spécificité de cette audience réside dans le fait qu’elle peut se tenir à huis clos. Cela laisse entendre qu’en principe l’audience serait publique puisque le ministère public a la possibilité d’être présent afin de pouvoir engager des poursuites pénales contre l’auteur des actes de violence allégués.
En réalité, il s’agit de rendre possible une certaine coordination, par une information réciproque du juge pénal et du juge civil qui sont pleinement associés dans la lutte contre les violences faites essentiellement aux femmes.
3) Vitesse
Il est évidemment important de noter que, la procédure devant être rapide pour assurer la protection d’une personne en danger au sein du couple, il n’est pas toujours possible pour le juge aux affaires familiales de procéder aux mesures d’instruction qu’il juge nécessaires.
Il existe donc un risque évident d’instrumentalisation de cette procédure afin d’obtenir ce qui n’aurait pas été accordé en dehors de ce contexte particulier de violence au sein du couple. Toutefois, il reste préférable de prévenir le risque encouru par la victime supposée ou l’enfant spectateur, plutôt que d’attendre les résultats d’une enquête.
C’est pourquoi le magistrat prendra sa décision sur la base des premiers éléments fiables qui lui auront été communiqués, sachant qu’il pourra,
Ainsi, l’ordonnance de protection doit être délivrée d’urgence, sans qu’un délai ne soit précisé.
4) Les caractéristiques de la prescription
Cette ordonnance a également deux caractéristiques.
a) Une ordonnance temporaire
Elle est temporaire puisqu’elle ne peut être appliquée que pendant une période limitée à quatre mois à compter de la notification, soit par signification, soit, dans le cadre de la décision, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie administrative.
Elle est exécutoire par provision, à moins que le juge n’en décide autrement.
Mais tout au long de sa validité, le dépôt d’une demande de divorce ou de séparation de corps permet de prolonger la durée des mesures édictées. En effet, conformément à l’article 1136-13 du code de procédure civile, lorsqu’une telle demande est formulée avant l’expiration de la durée des mesures de protection ou lorsque l’ordonnance est prononcée alors qu’un divorce ou une séparation de corps est en cours, les mesures de l’ordonnance de protection continuent de produire leurs effets jusqu’à ce qu’une décision statuant sur la demande de divorce ou de séparation de corps soit passée en force de chose jugée. En revanche, les mesures prises en application du 3°,
b Une ordonnance de référé
Elle est provisoire puisque le juge aux affaires familiales peut, à tout moment et à la demande du procureur de la République ou de l’une ou l’autre des parties, ou après avoir accompli toute mesure d’instruction utile, et après avoir invité chacune des parties à exprimer leur avis, supprimer ou modifier les mesures prévues par l’ordonnance de protection, en décider de nouvelles, accorder au défendeur une dispense temporaire d’observer certaines des obligations qui lui sont imposées ou révoquer l’ordonnance de protection.
5) Remèdes
Enfin, comme toute décision de justice, l’ordonnance de protection est susceptible de recours : le recours est ouvert dans les quinze jours de sa notification et doit être formé par requête déposée ou adressée au greffe du tribunal. Cour d’appel. Il en est statué, selon le cas, par le premier président de la cour d’appel, le conseil de la mise en état ou la formation de jugement.
Toutefois, ce recours risque d’être privé de tout intérêt s’il est entendu après la fin de l’ordonnance conservatoire.
Force est de constater que, justifiée par l’urgence, cette procédure s’avère finalement être une procédure exceptionnelle.
B. Une procédure exceptionnelle
Le législateur a pris conscience de la spécificité de la violence domestique et a progressivement adapté le droit civil afin de mieux protéger les victimes. Il s’agit donc d’une procédure exceptionnelle puisque des dérogations ont été prises avec d’autres branches du droit.
Exceptionnelle à plus d’un titre, elle doit être considérée successivement :
1) La preuve
Tout d’abord, concernant le droit de la preuve, il ne s’agit plus de la recherche de la vérité mais de la recherche de la vraisemblance.
En effet, conformément à l’article 515-9 du Code civil, le juge aux affaires familiales ne peut délivrer une ordonnance de protection que s’il existe des motifs sérieux de considérer comme probable la commission des actes de violence allégués. De plus, la victime doit être exposée au danger. Ces deux conditions sont cumulatives. Il reste cependant à s’interroger sur l’appréciation de ces notions.
a) Le danger
Le danger est une notion subjective. Seul le juge aux affaires familiales peut apprécier la réalité du danger auquel une personne prétend être exposée au sein du couple, grâce à des éléments rendant probables les actes de violence allégués.
b) La présomption
A cet égard, certains estiment qu’il existe un risque de rupture d’égalité entre les parties à la procédure. Une telle disposition est alors analysée comme établissant une présomption légale de culpabilité, contraire tant aux principes fondamentaux de notre droit qu’à la Convention européenne des droits de l’homme qui garantit aux parties le droit à un procès équitable.
Or, tant le droit européen que le droit interne valident désormais de telles dérogations au principe de la présomption d’innocence, qui doit comporter les éléments rendant plausibles les actes de violence allégués pour la délivrance par le juge aux affaires familiales d’une ordonnance d’éloignement. protection.
Par ailleurs, bien que la rédaction de l’article 515-9 du Code civil semble maladroite car elle semble renverser les principes qui régissent la charge de la preuve, la règle ainsi posée n’est nullement essentielle. En effet, en matière de faits juridiques, la preuve en droit civil est libre et peut se faire par de simples présomptions d’homme. Celles-ci permettent au juge de former sa conviction sur des indices dont la force probante est laissée à sa libre appréciation. En réalité, le texte ne fait que traduire la volonté du législateur d’alléger la charge de la preuve, dont la charge continue d’incomber au demandeur.
De plus, même si le juge aux affaires familiales se contente d’éléments rendant les violences susceptibles de mettre en danger la victime, il n’en demeure pas moins que pour le plaignant, il sera difficile de produire ces éléments puisque ce qu’il subit, se déroule à huis clos.
2) Les paradoxes de la protection
a) Selon les couples
En outre, l’ordonnance de protection non seulement déroge au droit de preuve, mais porte également atteinte à la philosophie même de la cohabitation, qui ne peut plus être considérée comme une union libre puisque le concubin peut être expulsé alors même qu’il est titulaire d’une le bail ou le propriétaire de son logement. En outre, il peut être condamné à supporter le coût du loyer sans pouvoir prétendre à aucune indemnité d’occupation, alors même qu’il n’est lié au bénéficiaire de l’ordonnance de protection ni par mariage ni par un PACS.
Mais une union libre qui ne l’est plus parce que la victime de la violence est asservie par celui qui la viole, n’est plus une union où l’un est libre de frapper l’autre sans que le droit puisse intervenir.
b) Les paradoxes de la protection juridique
Enfin, contrairement à certains fondements du droit des contrats, le bailleur peut être opposé par un occupant à titre précaire qui n’est pas le signataire du bail. Mais ce recours au bail forcé n’est pas une nouveauté en droit de la famille.
En tout état de cause, la loi du 9 juillet 2010 a créé un arsenal juridique particulier destiné à lutter efficacement contre les violences au sein du couple. Le vote de cette loi et le renforcement des pouvoirs judiciaires étaient indispensables compte tenu de l’augmentation constante du nombre de victimes de ce fléau.
Il reste à espérer que l’ordonnance de protection s’avérera être l’un des atouts majeurs dans la lutte contre les violences, d’autant plus que l’aspect répressif de cette loi fait de la réponse pénale un complément nécessaire. Aujourd’hui, le droit civil et le droit pénal fonctionnent ensemble.
La loi du 28 décembre 2019 (1) visant à agir contre les violences conjugales fixe le délai de délivrance d’une ordonnance de protection par la JAF à un maximum de six jours (délivrance qui n’est plus conditionnée au dépôt d’une plainte ).
De plus, elle prolonge le port du dispositif électronique BAR (bracelet anti-réconciliation) en cas d’infraction punie d’au moins 3 ans d’emprisonnement commise à l’encontre de son conjoint.
La loi du 30 juillet 2020 (2), quant à elle, institue notamment :
- jouissance directe du domicile conjugal au conjoint victime de violences.
- une suspension automatique du droit de visite en cas de crime commis contre le parent victime dès l’engagement des poursuites, dès la condamnation ou encore dès l’établissement du contrôle judiciaire du parent violent.
- décharge de l’obligation alimentaire pour les ascendants, descendants, frères et sœurs d’une personne condamnée pour violence domestique.
- la notion de harcèlement au sein du couple comme circonstance aggravante.
- 1) LOI n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000039684243/
- 2) LOI n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042176652?r=pWvPK83mIK
Grégory DAMY, avocat à Nice, vous accompagne en cas de violences conjugales ainsi que sur vos procédures de divorce.