L’action paulienne est un outil juridique puissant permettant au créancier d’empêcher que son débiteur organise son insolvabilité de manière frauduleuse. Une récente décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 29 janvier 2025 n° 23-20.836 indique que l’existence de cette fraude n’est pas subordonnée à la preuve de l’appauvrissement du débiteur.
- Rappel des principes de l’action paulienne
L’article 1341-2 du Code civil prévoit que les actes passés par le débiteur en fraude des droits de son créancier peuvent être déclarés inopposables à celui-ci. Cette action permet ainsi de préserver le droit de gage général du créancier sur le patrimoine de son débiteur.
Jusqu’ici, la jurisprudence considérait qu’une fraude pouvait être caractérisée lorsque le débiteur diminuait son actif détenu afin de rendre difficile l’exécution forcée du créancier.
L’arrêt du 29 janvier 2025 apporte cependant une précision importante : l’action paulienne peut être mise en œuvre même si le débiteur n’est pas directement appauvri.
- L’affaire du 29 janvier 2025 : une cession de fonds de commerce frauduleuse
L’affaire portait sur un contentieux entre une société et son expert-comptable, qui réclamait le paiement d’honoraires impayés. Alors que la société était en proie à cette dette, elle a procédé à la cession de son fonds de commerce à une nouvelle entité, créée spécialement pour cette reprise et contrôlée par le même gérant et son épouse. Peu après, la société débitrice a été placée en liquidation judiciaire.
Face à cette situation, l’expert-comptable a initié une action paulienne en demandant que la cession soit déclarée inopposable, soutenant que cette opération avait été réalisée à des fins frauduleuses pour échapper au paiement des dettes.
La question soulevée dans cette affaire concernait l’existence d’une fraude paulienne en l’absence de preuve d’un appauvrissement du débiteur.
En effet, la cession du fonds de commerce n’avait pas abouti à une disparition pure et simple de l’actif de la société, mais à son remplacement par des fonds monétaires. Cependant, la Cour de cassation a considéré que ces fonds étaient plus aisément dissimulables, rendant ainsi l’exécution de la créance plus difficile.
Elle en a déduit que l’existence d’une fraude n’impliquait pas nécessairement que le débiteur ait vu son patrimoine global diminuer, mais plutôt que l’opération ait eu pour effet d’éviter ou de compliquer l’exécution des droits du créancier.
3.Une décision protectrice des créanciers
Cet arrêt confirme une approche protectrice de la Cour de cassation en matière d’action paulienne. En effet, en écartant la condition d’un appauvrissement tangible du débiteur, la Cour facilite l’exercice de cette action par les créanciers, en leur permettant de contester des actes frauduleux sans avoir à démontrer un préjudice financier direct du débiteur.
Cette jurisprudence s’inscrit ainsi dans une ligne jurisprudentielle visant à garantir l’effectivité des droits des créanciers face à des manœuvres dilatoires ou frauduleuses de leurs débiteurs et assurer une meilleure préservation du droit de gage général.
Si vous êtes créancier et suspectez qu’un débiteur cherche à organiser son insolvabilité, il est crucial d’agir sans délai. Maître DAMY, expert en droit des affaires, est à votre disposition pour vous accompagner