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Les faits d’espèce qui ont donné lieu à l’arrêt commenté permettent d’illustrer la jurisprudence bien établie de la Cour de cassation sur la question de la distinction entre contrat d’entreprise et contrat de vente et sur celle de la faute intentionnelle au sens de l’article L. 113-1 du Code des assurances. Pour qualifier le contrat de vente ou le contrat d’entreprise, la jurisprudence se réfère au critère de la spécificité. Est un contrat de location d’ouvrage, le contrat qui porte non pas sur des choses déterminées à l’avance mais sur un travail spécifique destiné à répondre aux besoins particuliers exprimés par le donneur d’ordre. En l’espèce, le propriétaire d’un terrain y avait fait édifier une maison individuelle.

Des fissures généralisées étant apparues, il avait choisi de procéder à sa démolition puis à sa reconstruction. D’importantes fissures ayant de nouveau été constatées, il avait assigné l’entrepreneur et son assureur en responsabilité décennale. L’entrepreneur avait appelé en garantie le fournisseur et le fabricant du kit de ferraillage. Il avait été débouté de son action au motif que le contrat conclu avec le fournisseur était un contrat de vente. Reprenant les critères jurisprudentiels, l’entrepreneur relevait que des calculs avaient été nécessaires pour réaliser le kit avec plan, ce qui indiquait, selon lui, que les caractéristiques du produit avaient été déterminées à l’avance pour les besoins du maître de l’ouvrage.

Pour la cour d’appel, cependant, la circonstance que le kit de ferraillage ait été accompagné d’un plan n’était pas un élément suffisant à emporter la qualification. Il ne pouvait y avoir de travail spécifique dès lors que le fournisseur n’avait pas sous-traité sa prestation auprès du fabricant du kit. La Cour de cassation approuve cette motivation. Le fournisseur ayant acheté lui-même, et non pas fait fabriquer spécialement le matériau, il n’avait fait que revendre ce produit à l’entrepreneur.

L’article 113-1 du code des assurances prévoit que l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré. Dès lors que la survenance du dommage est certaine, cette faute a pour effet de retirer au contrat son caractère aléatoire. A été débattu le fait de savoir s’il suffisait que l’assuré ait commis délibérément la faute ou s’il fallait en plus qu’il ait voulu le dommage. La Cour de cassation estime qu’au sens de ce texte, la faute intentionnelle qui exclut la garantie de l’assureur est celle qui suppose la volonté de causer le dommage et pas seulement d’en créer le risque.

Ainsi, comme le développait le pourvoi de l’arrêt commenté, la simple conscience chez l’assuré que son action ou son omission volontaire aura pour effet de créer le dommage n’est pas suffisant pour établir que l’assuré a eu la volonté de causer le dommage tel qu’il est survenu . Les faits d’espèce témoignent de ce que la Cour de cassation entend conserver cette définition stricte de la faute intentionnelle. L’entrepreneur qui avait réalisé les fondations avait assisté les maîtres de l’ouvrage lors des opérations d’expertise du premier sinistre. Il avait donc connaissance de la nature du sol et de la nécessité de réaliser des fondations spécifiques. La cour d’appel, pour dénier la garantie de la compagnie d’assurance, arguait qu’il avait dès lors nécessairement conscience, en réalisant la construction sans réaliser les fondations adaptées, que les désordres ne pouvaient que se reproduire. Il s’agissait d’un préjudice futur et certain.

Elle est censurée par la Cour de cassation au motif que cette motivation ne caractérise pas la volonté de l’entrepreneur de créer le dommage tel qu’il est survenu.